Octobre 88 : le débat n’est toujours pas clos
Dix-huit ans après les tragiques évènements d’Octobre 88, le débat sur cette période charnière de l’histoire de l’Algérie indépendante n’est jamais clos. Et un diagnostic objectif et global reste à faire. Trop de zones d’ombre entourent encore cet épisode, alors que toutes les lectures auxquelles nous avons eu droit sur ce sujet privilégiaient des analyses politiciennes, souvent manichéennes, se nourrissant des idées reçues.
Nous avons eu droit jusqu’ici à deux lectures dominantes : l’une présentant cette explosion populaire comme un acte immature, un «chahut de gamins», pour reprendre l’expression en vogue à l’époque, et l’autre y voyant l’aboutissement d’un long parcours de luttes pour la démocratie et les libertés. Puis, une troisième théorie est apparue. Ses partisans, parmi lesquels l’actuel chef de l’Etat, estiment que tout aurait été manigancé par le pouvoir en place, pour les besoins de recomposition clanique, et qu’il faudrait par conséquent parler plutôt d’une «révolution de palais».
Les mêmes schémas et mêmes stéréotypes resurgissent à chaque occasion, à chaque explosion populaire, à l’exemple des évènements de Kabylie de 2001 dont les acteurs aimaient s’identifier à l’esprit d’octobre 1988, et où l’on retrouve parfois le même sentiment de désillusion.
Le constat que tout le monde fait aujourd’hui, c’est que les libertés démocratiques reculent, que l’esprit de lutte chez les Algériens n’est plus ce qu’il était au début des années 1990, que les idéaux pour lesquels des générations entières s’étaient sacrifiées sont galvaudés. Mais au-delà de toutes ces constations, il faut dire que ce qui a vraiment «tué» l’esprit octobre, c’est la barbarie terroriste. Une tragédie qui aura tout chamboulé et mis un frein au processus démocratique qui était si prometteur au début. Les islamistes qui avaient tenté de «récupérer» les évènements d’octobre, sont revenus pour tenter une OPA sur le projet de réconciliation nationale et se posent comme les vrais dépositaires de la légitimité démocratique, au détriment de ceux qui en avaient payé le prix fort et n’ont encore, eux, à ce jour, aucun statut, contrairement aux autres. De quoi être révolté.
05-10-2006 Mussa Acherchour
source : http://www.lanouvellerepublique.com/actualite/lire.php?ida=43337&idc=126&refresh=1