T. Ould-Hamouda : Azul à Mas Ferhat et Bienvenue à Montréal.
Ferhat Méhenni : Merci pour votre accueil. Être reçu y compris au Québec par Kabyle.com est réconfortant. Le dépaysement est moins prononcé. Je tiens à cette occasion à saluer les Kabyles qui, ici, sont partie intégrante du peuple québécois. Je tiens à saluer aussi tous les québécois à qui je transmets les salutations du peuple kabyle qui s’en sent frère.
T. Ould-Hamouda : Vous avez été invité au Festival International de la Poésie de Trois-Rivières, pouvez-vous nous résumer votre participation ?
Ferhat Méhenni : C’est la 2ème fois que cette institution (Festival International de la Poésie) basée à Trois-Rivières me fait l’honneur de m’inviter et m’offrir le bonheur d’une immersion dans un univers poétique où les langues et les cultures fraternisent dans le jeu des mots, des émotions, des expressions et des métaphores. On se rend compte à ce festival à quel point l’universel n’est en réalité que la somme des particuliers et non leur négation.
L’humanité a besoin de tous les regards comme un insecte de tous les éléments de ses yeux composés. Une seule image, quelle qu’en soit la richesse et/ou la beauté est ennuyante lorsqu’on ne dispose que d’elle pour embellir son cadre de vie. Les parfums les plus réussis sont ceux qui mélangent le plus de senteurs et d’essences y compris celles qui, seules, sont nauséabondes. Je dis tout cela pour expliquer que la diversité des langues et des cultures est une formidable chance pour l’humanité.
T. Ould-Hamouda :Du point de vue politique, vous avez eu un programme riche en rencontres, pouvez-vous nous parler des conférences que vous avez animées ainsi que des entretiens que vous avez eus avec la classe politique québécoise ?
Ferhat Méhenni :Il y a eu deux formes d’activités politiques : Les conférences publiques et les entrevues avec les personnalités. Dès que j’ai quitté Trois-Rivières, le 04/10/2006, j’ai donné une conférence sur l’Autonomie régionale de la Kabylie à l’Université québécoise à Montréal (UQAM) organisée par les étudiants souverainistes québecois, puis le 05/10/2006, une autre dans le cadre des "Jeudis de la langue", organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste dans une salle située, en face du Consulat d’Algérie à Montréal. Mon texte qui a porté sur la francophonie a été publié par Kabyle.com et d’autres sites comme Makabylie.info que je tiens à saluer chaleureusement pour leur dévouement à mettre en ligne tout ce qui touche de près ou de loin l’évolution des idées et des situations politiques Kabyles.
À travers cette conférence, j’ai affirmé, avec toute la force qui caractérise mes convictions, que pour moi la langue française n’est pas cette maladie honteuse que certains n’ont pas le courage d’assumer. Elle est intégrée à notre patrimoine où elle enrichit et soutient la langue Kabyle.
La Kabylie autonome, demain, intégrera la francophonie non par provocation vis-à-vis de ceux qui y sont hostiles, comme les islamo-baathistes d’Algérie ou d’ailleurs mais par souci d’intégrer tout le monde dans un réseau de solidarités fécondes afin de désamorcer des conflits de civilisation sur le plan linguistique ou religieux.
Au niveau des rencontres politiques, en plus des responsables des organisations qui m’ont offert une tribune publique comme le comité des étudiants souverainistes et particulièrement le très respectable Monsieur Jean Dorion de la Société St-Jean-Baptiste et qui nous ont assuré de leur soutien moral, j’ai eu à rencontrer Monsieur Gerald Larose, ancien patron du syndicat ouvrier québécois et actuel Président du Conseil de la souveraineté, un homme d’écoute et d’intelligence, auprès duquel nous avons trouvé réconfort et compréhension en plus de la solidarité dans notre combat pour l’Autonomie régionale du peuple Kabyle.
Le vendredi 6 octobre, j’ai d’abord rencontré M. Gilles Duceppe, Chef du Bloc Québécois, puis Mme Elsie Lefebvre, députée du Parti Québécois (la plus jeune parlementaire de tout le pays) et enfin M. Daniel Turp, député du même parti.
MM. Duceppe et Turp sont, si j’ose dire, de « vieilles connaissances » qui m’ont déjà fait l’amitié et l’honneur de me recevoir en décembre 2003.
Nous avons pu affiner et rapprocher nos points de vue pour un programme d’action basé sur une solidarité entre la Kabylie et le Québec.
J’ai aussi eu à déjeuner dans un climat fraternel et chaleureux avec le Centre Amazigh de Montréal et échanger sur l’autonomie de la Kabylie, la situation politique de notre patrie natale et l’état de la Communauté Kabyle québécoise.
À toutes ces entrevues, le MAK-Québec a été présent avec les membres de son exécutif.
T. Ould-Hamouda :Un grand spectacle a eu lieu à Montréal où la communauté est venue en masse vous applaudir, racontez-nous vos impressions ?
Ferhat Méhenni : C’est une action à mettre à l’actif de la dynamique Association Tafsut dont la présidente Tassadit Ould-Hamouda arrive à déplacer des montagnes pour la défense et la promotion de la langue et de la culture amazighes et Kabyles, de Mouloud Kacher et Mourad Itim qui ont déployé tous leurs efforts pour la réussite du spectacle.
L’organisation était impeccable et l’orchestre qui m’a accompagné à la hauteur. J’en garde un impérissable souvenir. Le public venu très nombreux m’a rendu un vibrant hommage que je n’oublierai jamais. Durant la prestation, il y eut une courte interruption pendant laquelle près de 80 enfants étaient montés sur scène pour accompagner la lecture d’un texte et la remise d’un cadeau (une planche gravée) exprimant dans notre langue maternelle, la reconnaissance du peuple Kabyle pour mon combat.
J’eus aussi la larme à l’oeil après la stand ovation que la salle m’a réservée à la suite de la chanson Bella ciao où j’ai été accompagné par la sympathique chorale féminine de Tafsut, inoubliable pour moi.
T. Ould-Hamouda :Vous avez été convié ensuite par l’ACAOH (Association d’Ottawa-Hull) et vous avez participé à la soirée des enfants de l’école de Tamazight qui ont présenté, en hommage à Mohya, la pièce "Si-Lehlu".
Ferhat Méhenni :Je suis admiratif devant la prestance et le sérieux de l’ACAOH. La compétence de ses membres y est au service de l’engagement politique et culturel amazighs. J’ai promis en décembre 2003 de leur donner de mon temps et de ma voix de chanteur à ma prochaine venue au Canada. Ils me l’ont rappelé et j’ai honoré.
Toutefois, tout le plaisir était pour moi, puisque avant de monter sur scène, j’ai eu la joie de goûter à la saveur d’une pièce théâtrale, "Si-Lehlu" de Mohia, jouée par une troupe composée de jeunes à l’expression en kabyle très aisée.
Cette association, cela mérite d’être signalé, a réussi l’exploit de faire de la langue amazigh une langue internationale dans la province de l’Ontario. Je ne peux que m’incliner devant leur oeuvre.
Permettez-moi enfin de saluer une énergie, une compétence et un dévouement incomparables dans l’action audiovisuelle amazighe, celle de R.B qui a filmé tous mes déplacements durant cette visite.
T. Ould-Hamouda : Votre mot de la fin ?
Ferhat Méhenni : "Amennugh nekn’at t nedhem Ghaf izerfan nnegh.......
T. Ould-Hamouda : Tanemirt a mas Ferhat.
Ferhat Méhenni : Tanemmirt i Kabyle.com - Segul -
Entrevue réalisée à Montréal, le Dimanche 8 octobre 2006
Remerciements à Mohand Medkour et Arezki Ait-Ouahioune pour les reportages photos du spectacle et à M. Kechad pour les photos du 24 juin 2004.
source : http://www.kabyle.com