La question berbère
Depuis la lointaine préhistoire, les Berbères et leurs ancêtres ont toujours été présents en Afrique du Nord. Divisés en une multitude de tribus réparties dans tout le Maghreb, les Berbères entretiennent des relations complexes, voire tendues, avec les Arabes qui ont conquis le Nord de l'Afrique au 7e siècle de notre ère. Ils en adopteront cependant la religion, l'islam, et la langue, l'arabe.
La population berbère compte aujourd'hui environ 19 millions d'habitants répartis dans plusieurs pays dont le Maroc, l'Algérie, le Niger et le Mali. En Algérie, on compte environ 6 millions de Berbères.
Bien que les Berbères parlent en majorité l'arabe, ils ont leur propre langue, le berbère ou tamazight, et une culture différente de celle des populations d'origine arabe. La non-reconnaissance de cette différence, essentiellement culturelle, par les gouvernements algériens successifs, a engendré, dans les années 80, un important mouvement d'affirmation identitaire chez les populations berbères. En Algérie, le mouvement d'affirmation berbère a pris la forme d'un bras de fer, parfois violent, avec les différents gouvernements algériens qui, depuis l'indépendance du pays, ont littéralement ignoré les aspirations identitaires berbères.
Le printemps berbère
Une tradition de résistance
Les Kabyles, qui sont des Berbères originaires de la région de Kabylie, ont une longue tradition de résistance. Sous le régime colonial français, en 1871, un soulèvement kabyle a été réprimé dans le sang.
Durant la guerre d'indépendance, le FLN a marginalisé toute revendication identitaire berbère en mettant en avant le danger de division, et à l'indépendance, le FFS, premier parti politique dirigé par un berbère, a été interdit. Le leader du FFS, Aït Ahmed, pourtant chef historique du FLN a été emprisonné sous le régime de ben Bella.
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Aussi connu sous le nom de « printemps kabyle », cet événement marque en Algérie le début de la lutte des Berbères pour leur reconnaissance, mais également un renouveau culturel et politique de cette population surtout concentrée dans le nord du pays. Tout a commencé en avril 1980, lorsque le gouvernement de Chadli Bendjedid a interdit une conférence sur la poésie populaire que devait animer le poète kabyle et francophone Mouloud Mammeri dans une université de Tizi-Ouzou, principale ville de Kabylie.
Furieux, les étudiants sortent dans les rues pour manifester leur colère, violant du même coup l'interdiction, imposée depuis des décennies par le gouvernement algérien, de manifester dans les rues. Le 20 avril, la police algérienne prend le contrôle de la cité universitaire de Tizi-Ouzou, et arrête une vingtaine d'étudiants, qui seront ensuite accusés d'atteinte à la sécurité de l'État. La répression des Kabyles se poursuivra, mais le feu de paille a déjà embrasé la grange. La berbérité connaît un renouveau et s'affirme davantage, malgré le déni et la répression de l'État.
Naissance de partis politiques
Plusieurs années après leur libération, à l'arrivée de la loi de 1989 permettant le multipartisme, les leaders étudiants berbères fonderont le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Dans l'ensemble, les Berbères d'Algérie revendiquent le statut officiel de leur langue et une reconnaissance réelle, par le gouvernement du pays, de leur culture et de leur différence. Profondément opposés aux islamistes radicaux qui plongeront le pays dans la guerre au début des années 90, les Kabyles seront d'autant plus isolés dans ce sanglant conflit.
Plus tard, insatisfaits par la politique répressive du gouvernement Bouteflika face à leurs revendications, d'autres mouvements kabyles, plus autonomistes, émergent et revendiquent carrément l'autonomie de la Kabylie.
Le printemps noir, prélude à la violence
Le 18 avril 2001, l'assassinat d'un lycéen kabyle par la gendarmerie nationale met le feu aux poudres entre les Kabyles et l'État algérien. Dans une dizaine de villes, des manifestations aux allures de révolte embrasent les rues jusqu'en juillet. Les accrochages avec les forces de l'ordre engendreront la mort d'une centaine de personnes. Des dizaines d'autres seront blessées, les forces policières ayant été autorisées à ouvrir le feu à balles réelles dans la foule des manifestants. Depuis ces événements, les relations des populations kabyles avec le gouvernement algérien sont tachées de sang. Régulièrement, des manifestations en faveur des revendications kabyles tournent en émeutes violemment réprimées. Depuis le début des années 2000, les morts se comptent par dizaines et les blessés par milliers en Kabylie, où manifestations, répression et émeutes sont devenues le lot quotidien de la population.
Journaliste : Stéphane Bordeleau
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Source : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/algerie/