
Encrer le signe
Encres. Ancres. Le signe s'arrime au rêve de secouer les tyrannies. Il se tient en équilibre au-dessus du creux et du délié, dans l'alphabet de l'espoir. Entre l'encre et le combat pour la liberté, le rapport est l'évidence de la trace et de l'esthétique.
Cette exposition se tient un 20 avril. Faut-il faire un dessin? Si oui, on déclinera tout à la fois la célébration du Printemps berbère et la pérennité du signe - de tout signe - en amont et en aval des séismes salutaires, qui produisent la naissance des changements et la transformation des représentations. Quel autre évènement mieux que la célébration du Printemps berbère peut renvoyer avec autant de force aux temps premiers des identités-palimpsestes qui s'enrichissent de l'alfa, de l'encre, de ce qui s'écrit et même de ce qui s'efface.
Encre de sang plutôt que sang d'encre, au regard précisément de cette histoire de perpétuelle quête de la liberté dont le Printemps berbère est à la fois une étape et un tournant. Nuit d'encre mais aussi encres de nuit, si l'on se réfère à la persévérance du travail quasi clandestin de l'artiste pour subvertir dans la création le signe et subvertir, dans le même temps, les pouvoirs qui taisent et font taire.
L'encre parle. Les artistes disent.
Arezki Metref
PARABOLES DE L'ENCRE
" Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule " (A. Rimbaud)
Soit dit d'emblée que l'encre écrit, peint et signifie le monde comme l'air, l'eau, la terre et le feu qui la composent font la vie et d'ailleurs le verbe serait-il au commencement des textes sacrés si l'encre ne l'éternisait ?
Soit dit que la création du monde, comme celle de ces formes que nous proposent les artistes de cette exposition, s'ordonne à partir d'un magma d'obscurité. Le noir du monochrome possède l'infini des couleurs, c'est la mère de toutes : avec les ressources du noir et le vide du papier blanc, c'est l'engendrement premier de la lumière dans la matière. De là naît le trait du lavis.
Soit dit des encres noires ordinaires ; des encres au fer ou au campêche ; des encres grosses aux couleurs insolubles, fluidifiées ou concentrées ; des encres sympathiques qui ne laissent pas de trace visible et que seule la chaleur éclaire ; de l'encre de chine à base de noir de fumée dont un vieux sage chinois disait qu'elle ne pardonne pas car on ne peut s'en servir pour tromper le monde.
Soit dit des pinceaux en poil d'animal ; des différentes sortes de plumes-allemande, anglaise, fine ou véritable baïonnette de Baignol et Farjon dont l'angle donne des traits gracieux, sergent Major de nos cahiers d'écoliers ; calames de roseaux ou plumes d'aigles et toutes ces formes de porte-pinceaux, porte-plumes ou pinceliers aux parfums d'hibiscus et de musc ; des encriers de peintres ou de petits vases et de tables enduites dont on empreint les rouleaux. Ils sont pour la main la liberté qui trace le signe.
Soit dit du bâton d'encre considéré comme le pénis qu'accueille la blancheur laiteuse du papier et qu'affectionnait particulièrement Victor Hugo qui étalait l'encre sur une feuille de papier comme un acte de chair. Avec ses doigts.
Soit dit de cette secrète correspondance entre le trait et le mot, le pictogramme et l'écriture. Ils ne servent pas seulement l'utile mais concilient le sens et la beauté comme si celle-ci exaltait celui-là : une poésie, souterraine ou exhibée de signes et de mots.
Soit dit ces ouvres comme " des bouteilles à l'encre " livrées à notre regard. Comme il est dit d'une chose obscure et mystérieuse qui nous interroge. Des écritures intérieures. Des jardins intimes.
Il y a des jardins grands comme des grains de beauté.
Autant d'hommages sur la peau du papier à l'encre des signes fondateurs.
Nourredine SAADI
Ecrivain
Entrée libre à l'ACB le 20 avril à 19 h
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