|
Quand il n’y a que la haine .
19/11/2007 02:31
Il s’appelle Farid, il a quatre ans et il était beau comme un petit dieu.J’ai découvert sa photo hier à la une de mon journal. Le regard insolent et les cheveux dans un beau désordre, ce garçon semblait avoir définitivement chassé la mort.Sa frimousse de star précoce suggérait déjà quelque grand destin.Sa gueule d’enfer promettait une carrière de cinéma et son maillot de foot esquissait un rêve de grandeur.Farid a été retrouvé au fond d’un puits, une grosse pierre attachée à son corps sans vie. Je n’ai pas eu envie de pleurer, mais de vomir.Ma haine et les restes de loubia sur la face des tueurs d’enfants.Pas seulement sur les tueurs d’enfants, mais aussi sur celle des hommes et des institutions qui n’arrivent pas à mettre à l’abri de l’horreur qui guette dans chaque coin de rue, sur chaque parcelle de terrain vague, au détour d’un sentier ou à la sortie de l’école, des millions de Farid. J’ai été saisi par une irrésistible envie de crier mon dégoût d’une société criminellement nonchalante face à la mort d’enfants.J’en veux à tous ceux qui n’ont pas ameuté le village planétaire pour que Farid reste en vie.J’en veux à ceux qui n’ont pas tenté le diable, qui ne l’ont saisi ni par la queue ni par les cornes, pour que la silhouette de Farid déambule encore dans les dédales d’Izanouthène, le maillot de foot mouillé par l’effort, et le rêve de grandeur toujours possible.Je me méprise d’avoir ignoré son existence et de découvrir son supplice à la une de ma feuille de chou. Je me méprise de n’avoir rien fait et, pire, de n’avoir rien su avant l’irréparable. De n’avoir pas esquissé un geste pendant son calvaire et de me lamenter aujourd’hui sur sa mort. Je méprise l’autopsie et le légiste qui vont ajouter une autre meurtrissure sur le corps sans vie de Farid. Je hais les résultats qui vont peut-être conclure qu’il a été violé.Il n’y a que de la haine en moi aujourd’hui et je n’ai aucune intention de m’en excuser.Je hais la justice qui ne va pas ramener Farid à la vie, ni tempérer la douleur des siens.Je hais le président de la République qui, dans dix ou quinze ans, graciera peut-être son bourreau qui s’en ira guetter d’autres Farid au détour d’un buissoe hais le barreau et l’avocat qui va défendre l’assassin d’enfants.
Le médecin qui va tenter de lui fabriquer un dossier psychiatrique et les âmes sensibles qui vont encore dire que le bourreau est aussi une victime qui mériterait quelques circonstances atténuantes.J’ai honte d’oublier demain le calvaire d’un enfant et de continuer à regarder les miens dans les yeux.
P.S. : Aujourd’hui, j’ai honte de voir ma photo sur le journal.Celle de Farid prendra sa place, comme ça, juste pour faire quelque chose, un geste dérisoire de quelqu’un qui ne sait pas quoi faire.
Par : S.L.
salimlaouari@yahoo.fr
laouarisliman@gmail.com
revenir à la rubrique "La chronique de Slimane Laouari"
Édition du Lundi 19 Novembre 2007 N° 1663
Source : http://www.depechedekabylie.com/read.php?id=48111&ed=MTY2Mw==
| |