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Idir, l’espace kabyle et les grands espaces
28/07/2008 00:07
Photo Rémi Lemée, La Presse
La carrière de cet auteur-compositeur-interprète, né en 1949, remonte à son adolescence alors qu’il se destinait vers des études de géologie. Après un premier tube (Rsed A Yidess) diffusé à Radio Alger en 1973, Idir signait chez Pathé Marconi en 1975 et lançait un album réalisé à Paris: A Vava Inouva, dont la chanson-titre allait devenir un succès planétaire, c’est-à-dire distribué dans 77 pays et traduit en 15 langues.
«J’ai commencé à 17 ans, ça m’a toujours fait bizarre de voir des gens beaucoup plus âgés venir me demander conseil à partir des mots que j’écrivais dans mes chansons. Je crois qu’on m’attribuait des choses qui dépassaient de loin ma compétence. C’était l’effet du succès… C’était être là au moment où il fallait, avec les mots qu’il fallait dire à l’époque. C’est vrai que j’ai vite occupé une place à part, il ne faut pas faire de fausse modestie. Je suis un privilégié, je dépasse le cadre d’un simple chanteur.»
Le sociologue français Pierre Bourdieu, d’ailleurs, a déjà fait observer qu’Idir n’était pas un chanteur mais un membre de chaque famille qui possédait ses disques.
«À travers la tradition dont je suis tributaire, en révélant qui je suis, mes fans retrouvent une tranche de leur histoire dans la mienne.»
Jamais Idir, d’ailleurs, n’a cessé de cultiver une saine proximité avec son public kabyle, qu’il fréquente toujours : «Il est tout à fait normal pour moi d’aller chez les gens comme ça, simplement. Sans eux je ne suis rien, déconnecté, mal à l’aise, je ne peux évoluer comme il le faut. Ce sont les petites gens qui m’attirent, souvent âgées, qui ne savent ni lire ni écrire. Je suis bien en leur compagnie car on évite le superflu. On va tout de suite à l’essentiel.»
Issus d’une tradition orale jusqu’à une période encore récente, les Kabyles algériens n’ont quand même pas peur des mots, bien au contraire.
«Chez nous, la valeur du mot est énorme. Avant la modernité, les tribus kabyles en guerre faisaient s’opposer leurs poètes dans des joutes oratoires. Toutes les tribus se rendaient à l’évidence des mots les plus extraordinaires… et la guerre finissait ! Même les personnes âgées qui vivent encore d’aujourd’hui et qui n’ont pas eu d’éducation veulent d’abord savoir ce que raconte une chanson.»
Chantre de l’identité kabyle dans les années 70, Idir s’identifie aussi à l’espace berbère, qui s’étend des îles Canaries à l’Égypte, du Tchad à la Méditerranée. «On y retrouve la même base linguistique que dans la langue kabyle explique le chanteur. C’est passionnant de voir comment une civilisation qui a couvert un territoire aussi immense a pu résister dans certaines poches stratégiques. Les montagnes, le désert…»
Idir, lui, résiste en région parisienne, bien qu’il retourne très souvent en Algérie où vit encore sa vieille maman de 93 ans. Il explique sa migration: «Dans ma langue maternelle, je n’étais pas reconnu de fait en Algérie. Je n’arrivais pas à m’épanouir. J’en étais même venu à me demander si la société occidentale n’avait pas eu raison de moi, si je ne courais pas après un pays qui s’éloignait chaque jour un peu plus. L’espace kabyle subit l’arabisation à outrance, l’idéologie a pris le pas sur le reste de la vie. On a uniformisé cette région avec un chômage énorme… Je crois qu’on ne veut pas d’une région qui puisse être une conscience, une matière grise, car ça fait peur aux gens qui sont en face.»
Outre le kabyle qui constitue son premier véhicule linguistique, le français est aussi une langue d’expression pour Idir. En témoigne La France des couleurs, un album de 17 titres réalisé l’an dernier avec une foule de jeunes artistes français issus tous horizons raciaux et culturels. Jeudi soir, il compte d’ailleurs présenter un répertoire bilingue au public des Nuits d’Afrique.
«J’ai été nourri au biberon de Brel, Brassens, Ferré, Vigneault et Leclerc. Des enregistrements québécois chez moi à l’époque? Bien sûr. Nous étions des enfants de l’indépendance, nous étions ouverts, nous recevions Fidel Castro et le Che. Nous avions réussi notre révolution, nous étions le phare du Tiers-Monde, champion du non alignement. Toute l’Afrique était en marche vers la décolonisation, tu imagines la fierté d’un lycéen algérien de 17 ans? C’était une période très porteuse», souligne-t-il, sans cacher son bonheur de parrainer un festival qui célèbre l’Afrique dans toutes ses couleurs.
Cela étant, Idir ne semble plus retrouver tous ses repères dans le nouveau paysage culturel de Kabylie «Les chanteurs des plus jeunes générations, pense-t-il, font plus dans l’illustration et dans le folklorisme. Je suis profondément kabyle dans l’âme mais ça ne m’empêche pas de venir au Québec, de m’imprégner de l’Autre. Or, j’ai l’impression que là-bas, on s’en tient au kabylo-kabyle. Et ça m’énerve un petit peu. Ce n’est pas la Kabylie qui doit l’emporter chez un artiste kabyle, c’est son art. Si je te regarde, je préfère te débusquer dans ton clin d’œil, dans ta manière de sourire. Ça me renseignera plus sur toi que tes idées.»
Pour Idir, en fait, l’art est un combat du profane sur le sacré, c’est le pouvoir de dire non et donc le pouvoir de plaire, d’attirer des gens juste par la beauté du mot et d’une belle mélodie.
«En vieillissant, confie-t-il en concluant, je me suis rendu compte que la musique était quelque chose d’essentiel à mon travail. Mais j’ai longtemps cru que la musique était un prétexte pour dire un mot. Oui, j’aurais fait des joutes oratoires si j’avais vécu au 19e siècle. Et j’aurais remporté des victoires!» Source :http://www.cyberpresse.ca/article/20080709/CPARTS03/80709200/1017/CPARTS
Commentaire de sophia (15/08/2008 03:56) :
ma maman est Française , mon père est Kabyle !!
J'adore Idir : a vava inouva est culte pour moi même si je préfère son
dernier album " la france des couleurs "
De part cette mixité culturelle, je me définis citoyenne du monde !
J'aime le mélange de cultures !
Je ne suis jamais allée en Kabylie mais Dieu sait que j'aimerais y
aller pour au moins faire un bisous à mon grand-père que j'ai trop peu
connu...
Mon père devrait quitter la France pour retourner s'y installer
définitivement.
Voilà
Amitiés
Sophia
http://sophia.vip-blog.com
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Commentaire de labelleeve (15/08/2008 16:30) :
Kikou Kabylie! Tu vois, je suis revenue voir ton blog magnifique! Idir
c'est mon idole Kabyle, je n'aime et n'écoute que lui, et au
contraire de ma fille (Sophia), la chanson qui m'a le plus marquée
c'est "l'mut". Je sais que cette chanson parle de la mort, mais
elle est tellement douce et c'est tellement vrai tout ce qui est dit
dans ses chansons! J'ai su comprendre et j'aurais pu parlé le
kabyle, mais les kabyles sont moqueurs et moi timide, je n'ai jamais
osé ouvrir la bouche que pour répondre en Français. Je ne crois pas que
j'irai un jour dans ces magnifiques montagnes du Djudjura, puisque mon
ex-mari s'est reconstruit une petite famille, et c'est bien
dommage que je n'ai pu le faire avant. Je le souhaite pour mes enfants
qui sont grands maintenant, car lorsqu'ils étaient petits, nous avons
toujours eu peur des traditions ancestrales et "des jeteurs de sorts" (je
sais qu'il y en a partout, mais nous n'étions concernés que pour
la Kabylie). Je te souhaite un très beau Vendredi mon ami Kabyle et je te
salue bien bas pour ton magnifique blog et cet hommage rendu à Idir. Je te
fais des gros bisous, mon ami. A plus.
http://labelleeve.vip-blog.com
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Commentaire de sheirine (20/08/2008 08:15) :
amical bonjour Arezki, je viens de lire attentivement l'article sur
Idir...éloquent et talentueux personnage en effet, je dirais même plus :
authenticité, fratrie, intégrité et nostalgie proviennent de son regard, Un
Grand homme, véhiculant des émotions intemporelles c'est
indéniable,j'en conviens, merci pour cet article.
Bonne continuation, un plaisir de te lire.
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Commentaire de labelleeve (26/08/2008 03:13) :
Kikou Kabylie! C'est quand tu veux, tu me réponds, mon ami Berbère de
Montréal! Dis, je voudrais te signaler un 'petit nouveau' chez
nous, c'est "Aourir" et il n'a pas encore fait son blog. En fait
il n'y a qu'une page et ce qui me contrarie le plus, c'est
que ce village perdu dans le Djudjura est le village de la famille de mon
ex-mari où il y a pratiquement que de la famille. En fait, il n'est
"connu" que de 2 personnes, ma fille et moi-même ... Je te remercie de lui
faire un petit coucou avant le Ramadan ou pendant, enfin quand tu veux, car
tu es long à répondre, même si je sais que tu t'occupes
d'Associations! Je te bizes, mon Kabyle. A plus.
http://labelleeve.vip-blog.com
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Commentaire de ninez (21/11/2008 17:56) :
cc ! merci pr ton comm ca me fais tjrs plaisir .. excellente soirée !
http://ninez.vip-blog.com
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Commentaire de tinhinane (23/12/2008 14:03) :
cet homme on lui doit un grand respect...tant qu'il vivra il portera
haut et fort la culture kabyle
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