Plusieurs localités de Kabylie célèbrent Amenzu N'Tefsut (Le premier jour du printemps), une fête traditionnelles plusieurs fois millénaires.
La belle saison qui, selon le calendrier grégorien commence le 28 février, est tant appréciée en Kabylie qu'on la personnifie dans l'expression toute faite « mmager tafsut » qui signifie « aller à la rencontre du printemps ». Cela va de soi quand on sait que la saison hivernale a souvent été rigoureuse en Kabylie, ce qui rend les conditions de vie difficiles dans cette région montagneuse. Le début du printemps se présente alors comme une sorte de délivrance.
La nature en fête !
Au début du printemps, le temps se radoucit, les plantes bourgeonnent et fleurissent, les animaux hibernants se réveillent, les oiseaux migrateurs retournent d'où ils viennent. C'est la saison qui « fait la pluie et le beau temps ». L'eau produit par la fonte des neiges alimentent les petits ruisseaux qui, à leur retour, font les grandes rivières.
L'éclatante blancheur de la neige s'éclipse peu à peu pour être remplacée par la blancheur des abondantes fleurs d'amandiers. La nature se réveille. Les pluies fréquentes et le soleil font revivre les arbres dépouillés de leurs feuilles au cours de l'automne. La sève descendue dans le tronc des arbres remonte et les bourgeons, fermés durant tout l'hiver, s'ouvrent et de nouvelles feuilles d'un vert tendre font leur apparition, grandissent et s'élargissent jusqu'à atteindre leur taille normale selon l'espèce.
Les paysages sont recouverts d'arbres d'oliviers, de pins, de châtaigniers et d'un tapis de verdure parsemé de fleurs sauvages de toutes les couleurs (jaune, blanc, rouge...). Il est important de signaler également le retour en grand nombre, ces dernières années, des papillons. Le printemps n'aurait vraiment pas de sens sans ces magnifiques fleurs volantes de diverses formes et couleurs. A cela s'ajoute les chants d'oiseaux en parade, les diverses odeurs suaves que la nature libère, etc.
Les nuits sont glaciales à cause du verglas mais les journées sont de plus en plus chaude, comme l'illustre bien cet adage : « Itij n meghres yessebrak ighes » (Traduction littérale : Le soleil de mars noircit même les os).
Le repas, symbolique de l'abondance
Le jour de la fête du premier jour du printemps, au petit matin, les femmes préparent le repas traditionnel de la circonstance. On l'appelle « tchiwtchiw », « ameqful » ou encore « aderyis », c'est selon les localités ; c'est un plat dépuratif et revigorant constitué de couscous et de légumes cuits à la vapeur, le tout mélangé après cuisson. En général, on préfère cueillir ces légumes dans la nature, donnant ainsi à ce mets une saveur qui rappelle bien cette fête. Ce repas est également agrémenté de viande séchée, d'œufs cuits à l'eau, ainsi que de graines de fèves, de maïs, de blé et d'autres céréales cuits également à l'eau. Ces derniers, notamment le blé, symbolise l'abondance. Ce plat est servi au cours de la promenade en forêt, on le mange en famille.
C'est aussi la fête des enfants
La fête du printemps bien qu'elle soit traditionnellement celle des femmes, elle profite aussi et surtout aux enfants. « Quand nous étions enfants, Amenzu N'Tefsut était l'une des plus importantes fêtes traditionnelles pour nous. La joie que nous ressentions ce jour-là est plus intense que celles des autres cérémonies, telles que Yennayer et Anzar. Les friandises que nos parents nous offraient à cette occasion avaient une saveur unique en son genre. Au cours de la traditionnelle promenade, nous nous roulions dans l'herbe à la gloire des divinités de la nature, nous nous livrions à toutes sortes de jeux, nous dansions, etc. c'était exceptionnel. Nous nous préparions plusieurs jours à l'avance pour cette cérémonie », raconte une vieille dame des Ath Abbes.
En effet, les enfants accordent une importance capitale à cette fête. A cette occasion, ils mettent leurs beaux habits et sortent à la rencontre du printemps avec en main des petites corbeilles en roseau, en osier ou tout simplement en plastique, pleines de bonbons de formes et goûts variés.
par karim kherbouche