Loin du terrain, Zinédine Zidane a commencé sa nouvelle vie.-Photo : Abaca
Souriant et détendu, Zinédine Zidane a accepté de revenir en exclusivité pour Sport sur sa première année passée loin des terrains...
Il y a tout juste un an, vous disputiez la Coupe du Monde en Allemagne avec l'issue que tout le monde connaît. Avez-vous fait le deuil de cette sortie malheureuse ?...
Zinédine Zidane : "La page est tournée. Une autre vie a commencé. Je suis très heureux de mon parcours dans le football. J'ai gagné beaucoup de titres et joué dans les plus grands clubs. A Cannes, je me suis révélé. Aux Girondins de Bordeaux, j'ai tenu promesse. A la Juve, j'ai accumulé de l'expérience et au Real, j'ai connu le meilleur. Finalement, j'ai fait le tour de la question.
L'actualité vous renvoie régulièrement au 9 juillet dernier, comme en attestent vos retrouvailles, la semaine dernière, avec Horacio Elizondo, l'arbitre argentin qui vous a expulsé en finale...
Je suis enchanté de l'avoir revu. Ce fut même un grand plaisir. Je n'ai eu aucun remords, aucun problème à le revoir. Il a fait ce qu'il devait faire.
Malgré ce goût d'inachevé, avez-vous donc fini par basculer définitivement dans une nouvelle existence ?
Il y a une vie après le football. Depuis un an que j'ai arrêté de jouer, je prends beaucoup de plaisir dans cette nouvelle vie. Elle est un peu différente, mais aussi pleine que celle que je menais quand j'étais joueur de foot.
Avez-vous éprouvé à un moment ou à un autre un sentiment de manque ou de vide ?
Non. Peut-être que ça va venir mais sincèrement, pour le moment, je n'ai rien ressenti de tel. Si je n'avais pas été actif, si j'étais resté chez moi à me tourner les pouces, cela aurait certainement été terrible. Mais la transition a été bonne. En parcourant le monde, je n'ai pas eu le temps de gamberger. Ma nouvelle vie en dehors des terrains est comme je le souhaitais : prenante et bien remplie.
On a du mal à croire que le terrain ne vous manque pas plus que cela...
Quoiqu'il arrive, le terrain me manquera toujours. Tout le temps. Mais quand je ressens le besoin de retrouver le terrain, je prends un avion, je descends dans mon quartier [la Castellane à Marseille], je joue avec mes frères et les copains, puis je repars. Ça suffit à mon bonheur.
On vous croit sur parole, mais le simple fait de taper dans le ballon ne remplacera jamais l'adrénaline de la haute compétition...
Moi, l'adrénaline, je l'avais parce que je jouais dans des clubs prestigieux. C'était stimulant, mais au départ, je n'ai pas fait ça pour ça. J'ai voulu jouer au football parce que mon plaisir était de me régaler sur un terrain. Comme il y a encore quelques jours où je me suis retrouvé à Marseille avec mes frangins et des potes pour jouer. Là, je m'amuse, je rigole, on fait des bêtises, on se chambre. C'est ça le foot ! Au Real, on ne peut pas se permettre ce genre de choses. C'était très professionnel, très sérieux. Quand j'ai décidé d'arrêter ma carrière, c'était même en partie à cause de cette trop grande rigueur. Et je peux vous assurer que toutes ces contraintes ne me manquent pas.
Il y a donc peu de chance de vous voir effectuer un incroyable retour ?
Je ne reviendrai pas. Quand on a arrêté pendant un an, c'est difficile de recommencer.
Y a-t-il davantage de chances de vous voir sur le bord du terrain ?
Pour le moment, ce n'est pas prévu. Ce qui compte aujourd'hui, c'est d'essayer de profiter de tout ce que je n'ai pas pu faire auparavant, comme passer du temps avec ma famille et mes amis, assurer la promotion d'événements et découvrir le monde. Mais demain, pourquoi ne pas revenir dans le foot ou près du foot. J'attends que se réalise un projet qui me tient à coeur. C'est encore trop tôt pour dire sous quelle forme et avec qui. Je préfère prendre mon temps car je veux que ce projet se concrétise dans le calme et la patience. Et qu'il prenne forme petit à petit.
Peut-on envisager vous voir un jour devenir entraîneur ?
Je ne me vois pas comme entraîneur. Mais ça tournera de toute manière autour du foot.
Vous qui n'avez jamais revêtu le maillot de Marseille, l'OM sera-t-il votre destination prioritaire quand vous aurez décidé de revenir dans le football ?
Non. Je n'ai ni de priorité ni de plan de carrière avec l'OM. Je suis supporter de Marseille depuis toujours et pour la vie, c'est tout.
Quelle place occupe le football dans votre nouvelle vie ?
Je suis toujours aussi passionné. Je ne suis pas forcément tous les matches à la loupe, mais je reste informé. Je me tiens au courant de tout. Je regarde aussi de temps en temps certaines rencontres à la télé. Et croyez-moi, ça ne me fait pas mal au coeur. J'y prends même beaucoup de plaisir.
Quels sont les moments forts que vous retenez de la saison écoulée ?
La grande demi-finale de la Ligue des Champions entre le Milan AC et Manchester United. Avec mes enfants, on a pris un plaisir énorme devant la télé. J'étais également content de voir Marseille se qualifier pour la prochaine Ligue des Champions.
Et le Real ?
Pour moi qui suis le supporter numéro 1 du Real, je suis content de sa première place [devant le Barça grâce à une meilleure différence de buts particulière]. Ils ont fait une remontée extraordinaire. Avec les joueurs qu'ils ont, ça ne m'étonne de les revoir en position de remporter un nouveau titre.
Comment expliquez-vous la traversée du désert qui a précédé ce retour sur le devant de la scène ?
Pendant trois saisons, le Real a manqué de tout. De confiance, de travail... Pour gagner, il faut avoir une équipe compétitive à tous les niveaux. Depuis un an, je crois qu'ils ont trouvé la bonne formule. Ils ont effectué un travail génial, récupéré tous leurs éléments et engrangé de la confiance. Et aujourd'hui, c'est une merveilleuse équipe. Je suis vraiment très heureux qu'ils aient redressé la barre de cette manière.
Le Real sera-t-il sacré champion d'Espagne ce week-end ?
Je crois en ce que j'aime. Je crois donc que le Real peut gagner la Liga. Je le sens bien. Ça ferait du bien au club, aux joueurs et en particulier à David Beckham qui mérite de quitter Madrid avec un titre.
Ne regrettez-vous pas de le voir quitter l'Europe pour une préretraite dorée aux états-Unis ?
Je respecte sa décision. Je lui souhaite le meilleur pour sa nouvelle vie avec les Los Angeles Galaxie.
Comment jugez-vous le parcours des Bleus pour la qualification pour l'Euro 2008 ?
Même si le seul match auquel j'ai assisté était amical [face à la Grèce], j'ai vu la plupart des autres à la télé. Et je les ai trouvés vraiment pas mal. Je suis toujours en contact avec pas mal de joueurs. Tout a l'air de bien aller pour eux. Ça me fait plaisir de les voir briller et de les retrouver en si bonne position pour se qualifier.
Assisterez-vous à l'Euro 2008, qui aura lieu à la fois en Autriche et en Suisse ?
Certainement... si Adidas m'invite (rires) !
Avec votre départ à la retraite, il semble qu'il y a moins de techniciens dans le football ?
C'est faux ! Nasri est arrivé !
C'est votre petit protégé, n'est-ce pas ?
Nous nous sommes déjà rencontrés à plusieurs reprises. C'est quelqu'un de très intelligent et talentueux qui m'épate. Il est devenu titulaire indiscutable à Marseille, puis a trouvé sa place en équipe de France. C'est fort ! Un lien naturel s'est créé entre nous parce qu'il joue à l'OM, le club de notre ville. Mais il faut arrêter de nous comparer. Samir fait du Nasri, comme moi je faisais du Zidane.
On a l'impression que la tactique prend de plus en plus le pas sur la créativité...
Depuis une dizaine d'années, surtout en Italie, on accorde de plus en plus d'importance à la tactique. C'est comme ça. Moi, ça me gêne, notamment par rapport au poste de numéro 10. Mais ça fait partie de l'évolution du jeu...
Dans votre nouvelle vie, rien ne semble avoir changé. Chacune de vos apparitions tourne à l'hystérie collective. Vous attendiez-vous à cela ?
C'est surprenant et touchant de voir les gens me manifester autant de gentillesse. Je ne m'attendais pas à cela. Je pensais que l'on m'oublierait un peu. Partout où je vais, je reçois des témoignages de soutien et d'amour. Jamais je ne remercierai assez tous ces gens qui m'aiment et me supportent à travers le monde.
Vous accommodez-vous mieux, aujourd'hui, de cette popularité planétaire ?
Ces à-côtés ne manqueront jamais. À chaque fois que je participe à une manifestation ou que je suis en déplacement, même si les gens sont très gentils avec moi, je ne me sens jamais à l'aise. Ce n'est pas naturel pour moi. Mais j'essaye toujours d'être le plus sincère avec eux. En revanche, je me sens tout de suite mieux dès qu'il s'agit de faire la promotion d'un évènement qui me rattache au foot. Je suis dans mon élément.
En dehors de votre voyage en Algérie qui avait une saveur toute particulière, quel déplacement vous a le plus marqué ?
Celui au Bangladesh [en novembre dernier].Le contexte était particulier. C'était très loin de la France, dans un des pays les plus pauvres au monde et qui compte 160 millions d'habitants [123 millions]. Pour moi, ça a été une grande surprise car malgré tout cela, j'ai reçu un accueil incroyable. C'est là-bas que j'ai pris conscience de ma notoriété. Même eux connaissaient Zidane !
Et de toutes les causes que vous défendez (lutte contre la pauvreté, la leucodystrophie, les maladies neurodégénératives...), quelle est celle qui vous touche le plus ?
Toutes. Si je le fais, c'est évidemment en collaboration avec mes partenaires. Mais c'est avant tout parce que ça me plaît. Je ne ferai pas ça toute ma vie, mais, pour l'instant, je prends du plaisir à passer du temps avec les gens. À faire des rencontres spéciales. J'apprends aussi ce qu'est la vie de tous les jours. Jusqu'à présent, je vivais dans un cocon. Je ne m'occupais que de foot, je ne pensais qu'à ça. Aujourd'hui, je vois autre chose. C'est vraiment une nouvelle vie qui a commencé. "
Propos recueillis par Gérald Mathieu à la Manga (Espagne)
Source :http://www.myfreesport.fr/sports/football/0/zinedine-zidane-ma-nouvelle-vie-25647.html